Le physicien français Clément Tibère travaille pour le compte des Soviétiques depuis son enlèvement, il y a vingt ans. Alors que tout le monde le croit mort, les services secrets britanniques le kidnappent, l'obligeant à dévoiler les noms de deux espions russes s'il souhaite retrouver sa liberté. Mais une fois les informations divulguées, il devra fuir la vengeance du KGB, qui compte bien lui faire payer cette dénonciation.
L'avis du cinéphile : Fidèle à sa volonté de régulièrement donner sa chance à des réalisateurs débutants et désireux de toujours prolonger son personnage-type obsessionnel de l'homme seul traqué par un système implacable, Lino Ventura a imposé la présence de Claude Pinoteau (alors assistant réalisateur très prometteur) sur ce projet qui lui tenait à coeur. Avec ce film, Pinoteau passe donc à la vitesse supérieure et livre une oeuvre remarquable, épurée, d'une noirceur extrême, et livrant impitoyablement son personnage principal à la fatalité du destin qui le poursuit. Ventura, encore secoué par son expérience de L'armée des ombres (il y a sans aucun doute eu "un avant et un après" ce film le concernant...), est ici magnifique, d'une sobriété exemplaire, tout en force dramatique contenue, et d'une précision de jeu qui permet de mesurer l'étendue de son talent et de son travail.
Film noir autour d'une fuite en avant, Le silencieux promène son intrigue et ses rebondissements du côté d'un Hitchcock, sans en avoir cependant le confort et l'atmosphère chatoyante. Car ici, tout est gris, morne, désespéré et désespérant. La guerre froide dans ce qu'elle a de plus triste et réaliste. Ventura ne fait que sortir d'un piège pour tomber dans un autre, et si un coin de ciel bleu opère parfois au cours du récit, c'est pour être la minute d'après complètement éclipsé par l'horreur indicible de la situation. Ventura affectionnait tout particulièrement ce genre de personnage, profondément seul, face à un contexte qu'il ne maitrise pas, laché par tout le monde (amis, famille...), obligé de repousser ses limites afin de repousser l'inexorable. En vain, car parmi tous ces films qu'il a tourné et qui déroulent ce genre d'anti-héros discret et broyé par la machine (Un témoin dans la ville, Le silencieux, Cadavres exquis, Un papillon sur l'épaule, Espion lève-toi...), Lino ne s'en sort pour ainsi dire presque jamais. Le silencieux est un thriller d'espionnage à la fois habile et très maitrisé, que Pinoteau soulève de terre par un regard technique excellent. En résulte un petit chef-d'oeuvre dont la radicalité séduit toujours par sa modernité et son ton résolument adulte. Superbe.
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